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    3 months ago

    Il est du reste assez étrange que Benzekri, que certains témoins âgés ont connu de gauche, ait trouvé judicieux d’installer au cœur de sa série l’un des derniers débats que la réaction et la sphère médiatique acquise à ses axiomes n’ont pas osé imposer dans l’espace public français. Marine Le Pen n’a pas encore inscrit dans l’agenda la libéralisation du port d’armes ? La Fièvre le fait à sa place. Pour l’approuver ? Quand même pas. La gauche de droite n’en est tout de même pas encore là. Mais ça commence toujours comme ça. On commence par dire que l’extrême droite pose de bonnes questions et apporte de mauvaises réponses. Puis on dit qu’elle pose de bonnes questions. Puis on dit qu’il ne faut pas lui abandonner des thèmes comme la nation, la sécurité, l’immigration, qu’on s’empresse donc de porter en étendard. Puis on l’intègre à l’« arc républicain » en même temps qu’on en éjecte la gauche. Inventer un personnage repoussoir, en conformité à ses désirs

    Benzekri pourra toujours arguer qu’il a voulu explorer fictionnellement l’hypothèse du port d’armes généralisé afin de désamorcer cette bombe : il demeurera qu’il l’a mise à l’ordre du jour, ouvrant sur la question la « fenêtre d’Overton » (ou le champ du dicible). Son inconscient a parlé. Marie Kinski n’est pas seulement le double maléfique de Samuelle. Elle est un lapsus. Benzekri croit croquer un monstre, il profile un horizon, un débouché, une issue. Il croit inventer un personnage repoussoir, une incarnation du pire, il la façonne en conformité à ses désirs. Marie la prophétesse n’est pas un danger, elle est un recours. Elle est notre sauveuse. Ce que Benzekri croit faire : alerter contre l’extrême droite. Ce qu’il fait : appeler l’extrême droite.

    La fièvre du titre n’est pas celle de la société, c’est celle de Samuelle. C’est elle qui s’échauffe, elle qui devient folle — et du reste se réfugie parfois dans une clinique psy. Elle qui est en voie de radicalisation. Cette fausse raisonnable n’a pas contracté la fièvre à force de redouter la victoire des idées sulfureuses de Marie, mais à force de la désirer.

    « Enseignements politiques d’une série », c’est le sous-titre de l’« étude » de la Fondation Jean-Jaurès, laquelle, cumulée à maintes interviews et autres matinales de France Inter, a participé à l’exceptionnelle visibilité médiatique de La Fièvre. Et en effet la série est lourde — très lourde — d’enseignements politiques. Prétendant identifier des symptômes, elle est un parfait symptôme. Lancée trois mois avant qu’Emmanuel Macron, en un acte manqué très réussi, tente de précipiter l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national sous couvert de le combattre, elle documente à merveille les fantasmes autoritaires de notre bourgeoisie, et l’actuelle vigueur de sa vieille tentation fasciste.

    François Bégaudeau Écrivain.